Laurence Anciaux
1914-18
Eléments
Quintessence
Même si l’élément déclencheur du conflit semble être universellement admis, prétendre inventorier l’ensemble des éléments qui constituent, décrivent ou élucident la première guerre mondiale est illusoire. Néanmoins, des éléments communs émaillent cette longue ligne de front. 100 ans plus tard, force est de constater que les stigmates des combats acharnés demeurent. Depuis les tranchées boueuses de ce coin de Flandre jadis inondé, jusqu’aux tranchées rocailleuses des montagnes des Vosges, en passant par celles des régions de Picardie, Somme, Marne, Meuse ou Argonne, que ces tranchées aient été belges, françaises, alliées ou allemandes, le paysage ici n’est plus façonné par l’homme mais dévisagé par ses faits de guerre. Bois, fer, terre, pierre, béton, ombres. L’horizon n’est plus à la même place. Même l’air conserve cette flétrissure. On perçoit sans peine le même enlisement des soldats des deux camps dans ce conflit déshumanisé. Les éléments semblent s’être déchaînés autour d’eux, autour des populations proches des combats, autour de l’Europe et de ses nations. Les larmes n’ont pas toutes séché, elles sont un des éléments subversifs de ce mélange hétérogène.
Parfois, on ajoute aux quatre éléments fondateurs un cinquième au statut ambigu, que l’on appelle aussi quintessence, du latin ‘quinta essentia’, cinquième élément. Selon les philosophes, la quintessence assure la cohésion des autres éléments et la reprise de la vie. Dans le langage courant, elle représente ce qu’il y a de principal, de plus précieux ou de plus caché dans un livre, un événement, un message. A mes yeux, ce dernier élément « quintessence » évoque également l’importance de la mémoire et ose un regard coloré vers le futur. Il est l’élément primordial, mais invisible et subtil, que nous pouvons percevoir et espérer avec toute notre intuition.